Les relations de la France et la Walonie vues par Zemmour et par un Belge

La RDA de la France

« Eric Zemmour n’est pas seulement l’un des deux poils à gratter qui font de l’émission de Laurent Ruquier, qu’on le veuille ou non, l’un des passages obligés de la télévision française. Il y est, certes, de plus en plus déchaîné dans sa façon de passer sur le gril, avec son compère Eric Naulleau, assis à sa gauche dans tous les sens du terme, les invités de cette corrida verbale. Rares sont ceux qui n’y laissent pas quelques plumes, pour autant qu’ils en aient jamais eu, parce que les vrais écrivains ont le bon goût de ne pas s’exposer à leurs sarcasmes. Or, il se fait que Zemmour, pour le coup, en est lui-même un, de ces écrivains, il le prouve d’ailleurs dans son essai Mélancolie française.

Il y raconte leur Histoire aux Français sous un angle franchement neuf, qui leur interdit de considérer leur adhésion à l’Union européenne comme une péripétie sans conséquence. C’est bien la première fois qu’un essai appréhende la question sous l’angle littéraire, dégagé de considérations étroitement socio-politiques ou économiques. D’un style alerte, qui rappelle à la fois Emmanuel Berl et le Marcel Aymé du Confort intellectuel, l’auteur indique que la France, après avoir su tenir tête à la perfide Albion et survivre à la vindicte teutonne, pourrait bien avoir franchi le pas qui lui interdit définitivement cette fois de se draper encore dans la superbe impériale.

Mais l’intérêt principal que présente le livre à nos yeux est de contenir un chapitre intitulé « Le Belge » qui est peut-être bien une des choses les plus pertinentes qui se soient écrites sur la Belgique outre-Quiévrain, Belgique dont Zemmour nous dit qu’elle « s’affaisse, au risque d’emmener dans sa chute toute la construction européenne ». Il nous rappelle que Michelet voyait en elle « le rendez-vous des guerres », mais avance pour sa part qu’elle est aussi « la RDA de la France ». Bricolée sans conviction par Talleyrand, elle est cet « arlequin diplomatique » dont parlait Baudelaire.

Zemmour constate très finement que son histoire est d’abord linguistique, mais « réécrite, falsifiée ».

Par la Flandre surtout, qui est à ses yeux « un sous-produit de la Belgique », conditionnée par son « code génétique francophobe » qui a forgé la question flamande. »

 L’issue est-elle le rattachement de la Wallonie à la France, qui vivrait ainsi, après l’Allemagne, sa propre réunification ? Le fait est que cela l’aiderait à combler son retard sur sa meilleure rivale germaine… Et si Zemmour n’avait pas tort de dire que « les aiguilles de l’histoire poursuivent implacablement leur marche arrière » ?

Le Soir – Jacques De Decker – 02/04/10

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